L’archipel des Paracel [1] est divisé en deux groupes d’îles situés à environ 70 km l’un de l’autre : le groupe Amphitrite au nord-est et le groupe Crescent au sud-ouest. L’île Woody (Yongxing en mandarin ou Phu Lam en vietnamien) est la plus grande île du groupe Amphitrite. Elle abrite un aéroport, deux musées et divers établissements. Le point le plus élevé des Paracel est situé à 14 mètres au-dessus du niveau de la mer. La superficie des terres émergées est de 10 km² : le reste de l’archipel est submergé entièrement ou partiellement, selon les marées.
Une question s’impose : quel est donc l’intérêt de contrôler ces îles, si petites et si éloignées ? La réponse est la suivante : les États en conflit veulent s’assurer la mainmise sur une importante zone de pêche commerciale qui est aussi soupçonnée de regorger d’hydrocarbures. Le contrôle de cet archipel offre également une position avantageuse sur le plan stratégique en ce qui a trait à la sécurité des voies maritimes et à la projection de la puissance navale. En outre, la région présente un certain attrait pour l’industrie du tourisme. En effet, au début de 2012, la Chine autorisait la région de Hainan à construire des quais sur les îles Paracel dans le but d’y accueillir des navires de croisière [2]. En novembre de la même année, un délégué du 18e Congrès du PCC et secrétaire du comité provincial de Hainan annonçait qu’un navire de croisière transporterait bientôt des touristes vers Sansha, la principale ville des îles Paracel [3].
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) de 1982 permet aux États de revendiquer le contrôle d’un territoire s’étendant jusqu’à 200 milles marins des côtes : la zone économique exclusive (ZEE). Cette délimitation peut atteindre 350 milles marins dans le cas de revendications sur le plateau continental. Ces deux concepts assurent aux États des droits exclusifs quant à l’exploitation des ressources marines et le contrôle des eaux sur ces territoires [4].
La République populaire de Chine (RPC) revendique activement les Paracel ainsi que plusieurs autres formations insulaires de la mer de Chine méridionale depuis le début du 20e siècle. Le Vietnam dit avoir des droits historiques sur ces îles remontant au début du 19e siècle. Quant à la RPC, elle affirme que ses droits historiques remontent au 13e siècle [5], lorsque Guo Shoujing, un astronome chinois, a navigué jusqu’aux îles Paracel, qui délimitaient alors l’empire chinois.
En 1947, la Chine a publié une carte de la région sur laquelle apparaît la fameuse ligne en neuf traits, délimitant ses revendications en mer de Chine méridionale. Le statut juridique de ce tracé est contesté et sa signification est intentionnellement sujette à interprétation. En effet, des espaces militairement non-occupés et exempts de population chinoise ont progressivement été considérés comme faisant partie du territoire national aux yeux des autorités chinoises. Au cours des dernières décennies, profitant de l’ambigüité de la ligne en neuf traits, la Chine a progressivement ajouté ces formations insulaires à la liste des territoires qu’elle revendique. La RPC justifie maintenant sa souveraineté sur ces territoires en stipulant qu’elle détient des droits historiques sur ceux-ci, bien que le contrôle effectif sur les îles soit en fait passé de main en main au fil du temps. Taïwan a des prétentions similaires à celles de la RPC, alors que le Vietnam continue de revendiquer ces îles comme héritage de la colonisation française [6].
Dans les années 1990, la projection de puissance de la Chine dans la zone est dénoncée par l’ASEAN. En 2002, après plusieurs années de discussions, la Chine et l’ASEAN signent la Déclaration de conduite en mer de Chine méridionale, par laquelle les signataires s’engagent à résoudre pacifiquement leurs différends. Malgré le fait qu’ils aient signé une telle déclaration, plusieurs altercations entre la Chine et le Vietnam ont eu cours dans les dernières années. On peut citer comme exemple le cas des pêcheurs vietnamiens qui ont été accusés de pêcher illégalement en eaux chinoises et détenus durant plus d’un mois par la RPC [7].
Le 21e sommet de l’ASEAN, qui a eu lieu en novembre 2012, s’est avéré un échec : ce sommet aspirait à résoudre les disputes territoriales, mais les parties n’ont pas réussi à s’entendre. Plusieurs États, notamment les Philippines et le Vietnam, ont dénoncé l’évident parti pris du Cambodge vis-à-vis de la Chine, qui a beaucoup investi dans ce pays dans les dernières années. Le Cambodge a été la cible d’un lobby important de la part de la RPC visant à miner les efforts des membres de l’ASEAN, qui souhaitent parvenir à établir une position commune face à la Chine [8].
Ce conflit entourant le contrôle des Paracel retarde l’exploration sous-marine pour la Chine, en recherche active d’hydrocarbures. Avec des besoins énergétiques qui ne cessent de croître, on peut s’attendre à ce que la Chine soit de plus en plus active pour assurer la résolution à son avantage des litiges. Il est envisageable que, dans les années à venir, la mer de Chine soit le théâtre de plusieurs conflits qui s’intensifieront au rythme de la croissance des besoins énergétiques chinois.
Crédits photo : Russell McMahon.