Suite à deux victoires contre le Viêtnam, l’Indonésie s’est qualifiée pour le 3e tour des qualifications asiatiques pour la Coupe du Monde 2026 elle qui n’avait engrangé qu’un seul point en huit rencontres lors de la précédente campagne [7]. Le pays qui ne s’est qualifié pour la phase finale de la compétition qu’en 1938 sous le nom des Indes orientales néerlandaises [8] est présentement sur une lancée s’étant rendu jusqu’à la ronde des 16 lors de la plus récente Coupe d’Asie et a remporté la médaille d’or lors des plus récents jeux d’Asie du Sud-Est [9]. Les fans et les médias vietnamiens ont critiqué l’équipe indonésienne, car 9 joueurs binationaux nés à l’étranger avaient été appelés par l’entraineur Shin Tae-yong [10].
Fans carry an injured man following clashes during a football match at Kanjuruhan Stadium in Malang, East Java, Indonesia [Yudha Prabowo/AP Photo]
Ces 9 joueurs sont seulement le début. Depuis les matchs contre le Viêtnam, trois autres joueurs ont aussi été naturalisés [11]. L’Indonésie est un exemple d’équipes nationales de la diaspora [12]. Étant un pays au passé colonial, le pays dispose d’une diaspora importante de plus de 8 millions de personnes, principalement aux Pays-Bas, et à travers l’Occident [13]. Ainsi, la fédération nationale avec l’aide du gouvernement mène une campagne de recrutement pour améliorer le niveau de la sélection nationale en recrutant des joueurs, ayant des origines indonésiennes, formées en Europe. Beaucoup de pays au passé colonial se retrouvent dans la même situation, ils recrutent activement des joueurs de la diaspora établis en Europe. On peut penser au Maroc qui, lors de la Coupe du Monde 2018, avait 17 joueurs sur 23 ayant grandis et été formé en Europe ; principalement en France, aux Pays-Bas et en Espagne [14].
Bien que certains pays et fans critiquent cette pratique, le tout est légal et suit les règles établies par la FIFA par rapport à l’admissibilité des joueurs binationaux à représenter le pays de leur choix. En effet, il est possible de faire une demande de changement d’admissibilité unique pour les joueurs possédant la citoyenneté d’un autre pays et n’ayant pas joué de matchs officiels au niveau senior après 21 ans. Il est à noter que l’obtention de la citoyenneté doit suivre les lois du pays en question [15]. Ce qui est intéressant dans le cas indonésien est le fait qu’en temps normal, aucun des joueurs naturalisés évoluant dans la sélection nationale n’aurait été admissible à la citoyenneté. En effet, l’Indonésie ne reconnaît pas la double citoyenneté. La majorité des joueurs ont bien des origines qui les relient à l’archipel et pourrait se qualifier de cette manière, mais puisqu’ils possèdent généralement une citoyenneté européenne, ils ont donc à l’âge de 18 ans renoncé à leur passeport indonésien. Par conséquent, cela nécessiterait en temps normal de passer par une demande d’application pour la citoyenneté. Les critères pour être admissible stipulent qu’il faut avoir habité au moins 5 ans de manière continue ou 10 ans de manière intermittente dans le pays et être en mesure de parler le Bahasa Indonesia. Encore une fois, selon ces critères la majorité des joueurs ne sont pas admissibles à la citoyenneté. C’est pour cela qu’au lieu de procéder à une application normale, la citoyenneté leur est accordée pour le « meilleur intérêt du pays » grâce à un décret présidentiel [16]. Toutefois puisque la loi indonésienne interdit la double citoyenneté, les nouveaux joueurs ont été obligés de renoncer à leur autre citoyenneté, ce qui peut constituer un frein pour le recrutement des meilleurs joueurs issus de la diaspora. Pour cette raison, le gouvernent a commencé une réflexion quant à la possibilité d’offrir la double citoyenneté pour attirer davantage les individus qualifiés issus de la diaspora [17]. Sans que ce changement soit nécessairement motivé par les ambitions sportives du pays, il est facile de voir comment cela pourrait aider la sélection nationale de football.
Indonesian National Football Team (Timnas) in the 2023 Asian Cup. (Source : PSSI)
Le gouvernement indonésien a établi en 2021 des objectifs et un plan pour améliorer l’économie sportive du pays et le football était au centre de cette stratégie [18]. Ces ambitions sont toutefois plus anciennes, puisque déjà sous Suharto le sport était utilisé comme outil pour mettre de l’avant le prestige du pays [19]. Cette pratique est encore d’actualité, le pays a même récemment été l’hôte de la Coupe du Monde de Football u-17 en 2023 [20]. La naturalisation de joueurs issus de la diaspora devient ainsi une manière d’améliorer rapidement la qualité de l’effectif, permettant à l’Indonésie d’espérer gravir les échelons du football international. Toutefois, un des freins potentiels est le fait que la sélection nationale va devenir une équipe multiculturelle où la majorité des joueurs viennent de pays différents et ne parle pas la même langue, ce qui pourrait affecter la cohésion [21]. Bien que les premiers résultats soient prometteurs, il sera intéressant de voir l’évolution notamment s’il y a un changement de la loi sur la citoyenneté.