Une étudiante du secondaire qui fait le salut à trois doigts et prononce un discours lors d’un rassemblement organisé par des jeunes de Chiang Mai, en Thaïlande, le 25 août 2020 © 2020 Supitcha Chailom (https://www.hrw.org/news/2021/01/13/thailand-rights-crisis-rapidly-worsens)
Bilan désastreux en matière de droits de la personne
Adoption et perpétuation d’un cadre législatif répressif
Depuis le Coup d’État de 2014, le gouvernement militaire thaïlandais a rapidement établi un régime de répression sophistiqué reposant sur l’implantation d’un cadre législatif oppressif. L’une des lois les plus restrictives de cet arsenal est la loi de lèse-majesté (Article 112) [4]. Interdisant toutes formes de critiques perçus ou réels envers la monarchie, la largesse et l’opacité de cette loi permettent au gouvernement de poursuivre en justice tous individus identifiés comme une menace pour la stabilité du pays [5]. Les personnes coupables peuvent recevoir une peine allant jusqu’à 15 ans de prison, selon cette loi [6]. De plus, depuis l’amendement des lois sur les crimes informatiques en 2017, l’utilisation combinée de ces lois ambiguës permet au gouvernement de restreindre « légalement » les libertés d’expression de sa population et d’entraver toute forme de dissidence populaire [7]. Cette utilisation excessive du système judiciaire pour des fins de contrôle de la population démontre la priorité du gouvernement à maintenir son pouvoir politique au détriment des droits fondamentaux de sa population. Cette décision controversée de maintenir un pouvoir coercitif sur leur population souligne un manque de volonté et d’engagement réel de la part du gouvernement thaï dans sa mission de respecter et promouvoir les droits de la personne comme membre du CDH.
Vigile pacifique de militants prodémocratiques, membres d’Amnistie Internationale. Ensemble, ils dénoncent les violations des droits de la personne commis envers les opposants politiques et spécifiquement celles des enfants incarcérés pour des actes pacifiques commis lors des mobilisations de 2020-2021. (https://www.amnesty.or.th/en/news/2021/05/thailand-levying-politically-motivated-charges-against-children-under-18-years-old/)
Censure et persécution des opposants politiques et militants prodémocratie
Malgré l’arrivée formelle d’un gouvernement civil en 2023, issu d’élections dont les résultats ont été partiellement altérés par le Parlement, les poursuites systématiques contre les voix dissidentes, initiées sous le précédent régime militaire, se poursuivent sans relâche. En fait, selon l’organisation Thai Lawyers for Human Rights (TLHR), on dénombre toujours 1960 personnes poursuivies pour des actes de protestations politiques pacifiques commis lors des grandes mobilisations prodémocratiques entre 2020 et 2021 [8]. Détenus dans des conditions déplorables et ayant leurs droits de libération sous caution révoquée, pour se faire entendre et reconnaître leur droit, plusieurs militants prodémocratiques ont décidé de réaliser des grèves de la faim [9]. Bien qu’étant une pratique percutante, certains de ces militants en sont décédés, malheureusement. Par ailleurs, de ces arrestations multiples, les organisations civiles Amnistie International et TLHR dénoncent aussi une nouvelle pratique commise par les autorités gouvernementales, soit la violation flagrante des droits des jeunes militants mineurs [10]. Étant considéré comme des enfants, selon les conventions internationales et ayant des droits garantis par ces dernières, ce gouvernement civil fait abstraction de ces droits en décidant de poursuivre ces enfants à titre d’adulte et de les détenir au sein d’un système carcéral pour adulte [11]. Ce mépris flagrant des droits de la personne et des enfants démontre que la Thaïlande est loin de respecter les principes fondamentaux des droits de la personne qu’elle est censée promouvoir en tant que membre du CDH.
Des immigrants « illégaux » ouïghours arrêtés et détenus par la police thaïe en attendent de déportation potentielle. File : Andrew RC Marshall/Reuters] (https://www.aljazeera.com/news/2025/2/27/thailand-deports-48-uighurs-to-china-despite-human-rights-concerns)
Promotion et respect des droits de l’homme : Une pratique de façade en Thaïlande
Le contraste entre les déclarations officielles et les actions concrètes du pouvoir thaïlandais est frappant. Si le pays a effectivement légalisé le mariage homosexuel en janvier 2025 [12], cette avancée symbolique a été immédiatement éclipsée par la décision, en février 2025, de déporter des migrants « illégaux » ouïghours vers la Chine [13]. Cette décision controversée fut condamnée publiquement par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk [14]. Selon lui, cette déportation représente une violation claire du principe de non-refoulement inscrit dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, laquelle la Thaïlande est signataire depuis 2007 [15]. En tant que membre du CDH, ce non-respect flagrant de leurs obligations en matière de respect des droits de la personne, révèle une certaine instrumentalisation de ces droits à des fins diplomatiques, plutôt qu’un engagement réel de la part du gouvernement civil thaïlandais.
Des députés thaïlandais célèbrent au Parlement l’adoption du projet de loi sur l’égalité du mariage. Photographie : Rungroj Yongrit/EPA
Ainsi, devant les méfaits récemment commis par le gouvernement civil thaï et leur bilan désastreux en termes de droits de la personne, plusieurs experts locaux remettent fortement en question la sélection du pays au CDH, mais pire encore, certains y décernent une perte de crédibilité envers cette institution internationale.
En effet, bien que les Nations Unies tentent d’être inclusives dans la nomination des membres de ses institutions, cela ne devrait pas être fait au détriment des valeurs fondamentales que défendent ces derniers. Particulièrement, en matière de défense des droits de la personne, lorsque ces institutions sélectionnent des États qui ne respectent pas les standards provenant des conventions internationales, cela vient éroder la raison d’être de ces organisations et leur mission première, soit la protection et promotion des droits de la personne.