Plusieurs semaines après le passage du super-typhon, plus de 13 millions de personnes sont toujours affectées [2]. Pourtant, la possibilité qu’un aléa naturel frappe la région était déjà omniprésente depuis longtemps. Les Philippines, et les Visayas orientales en particulier, sont la cible d’une vingtaine de cyclones tropicaux par année et d’un grand nombre de tremblements de terre, souvent dévastateurs. Les spécialistes de la réduction des risques savaient que la région était particulièrement exposée, et que ce n’était qu’une question de temps avant que Tacloban ne soit frappée de plein fouet.
- Les Visayas orientales.
Les Visayas orientales forment l’une des régions les plus pauvres de l’archipel, faiblement industrialisée et dont une grande partie de la population vit sous le seuil de la pauvreté malgré l’abondance des ressources naturelles [3]. Tacloban est le fief de la famille Romualdez [4] ; le maire est le neveu d’Imelda Romualdez-Marcos, la femme de l’ancien dictateur Ferdinand Marcos, dont le régime kleptocrate [5] s’est effondré en 1986 suite à un soulèvement populaire. Cela dit, ni les révolutions ni les aléas naturels annuels ne risquent de détrôner le clan Romualdez, tout comme le reste de la poignée de familles oligarchiques qui se partagent l’essentiel du pouvoir politique et économique [6] de cette ancienne colonie américaine.
Les structures étatiques qui auraient dû permettre une redistribution plus égalitaire des ressources ne sont pas en panne depuis qu’Haiyan a frappé ; elles n’ont jamais véritablement été mises en place. En effet, les grandes familles préservent un système politique profondément inégalitaire et pourri par l’omniprésence des relations patrimoniales [7]. C’est la masse du petit peuple philippin qui paye les frais de cette corruption, pataugeant jusqu’au cou dans un marasme féodal de pauvreté et d’exploitation. Pour de nombreuses personnes, la survie au jour le jour est éprouvante, et la moindre vague leur fait boire la tasse [8].
Haiyan était certes un typhon d’une puissance inhabituelle, mais il faut néanmoins souligner que l’État philippin a négligé beaucoup de mesures qui auraient pu être prises pour diminuer la vulnérabilité de la population. D’autres pays montrent plus de volonté politique quant à la sécurité de leurs citoyens [9]. Cuba, par exemple, réussit à faire des miracles avec bien peu de ressources techniques et de maigres moyens financiers. Chaque année avant le début de la saison des ouragans, la population cubaine participe à des exercices selon des plans d’évacuation au moyen desquels les lieux sécurisés sont identifiés et les personnes les plus vulnérables prises en charge [10].
- Vue aérienne sur la ville de Tacloban après le passage du super-typhon Haiyan, novembre 2013.
Les risques que d’autres catastrophes majeures se produisent continuent de peser sur les Philippines. C’est particulièrement le cas de Manille où s’entassent déjà plus de 12 millions d’âmes. Cette mégalopole est extrêmement vulnérable aux inondations, aux ondes de tempêtes, et – surtout – aux tremblements de terre. En effet, une importante ligne de faille tectonique traverse la capitale [11]. Comme c’était déjà le cas pour le super-typhon, la question n’est pas si, mais quand le prochain aléa naturel frappera les Philippines. Il est impératif que le gouvernement prenne ses responsabilités afin de réduire les risques d’une prochaine catastrophe.
Légende (photo de couverture) : Tanauan, Leyte, après le passage du super-typhon Haiyan, novembre 2013.
Crédits (photo de couverture) : UNHCR / R. Rocamora, CC BY-NC 2.0.
Crédits (image 1 - corps de texte) : seav, CC BY-NC 3.0. under GFDL.
Crédits (image 2 - corps de texte) : DFID - UK Department for International Development, CC BY 2.0.