Liberté d’expression et minorités ethniques
L’Asie Pacifique détient le record du « plus grand nombre de prédateurs de la liberté de presse » au monde [4]. La pandémie n’a pas amélioré cette réalité puisque l’accès à l’information est devenu difficile pour les groupes minoritaires, car sous le prétexte de sanctionner la « désinformation », certains gouvernements intensifient une répression du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion (Thaïlande, Malaisie, Myanmar, Philippines) [5].
Droits des LGBTQ+ et Asie du Sud-Est
La répression touche les populations LGBTQ+. Au Vietnam, les étudiants de cette communauté sont victimes d’intimidation et de menaces, même si le gouvernement tolère le mouvement [6]. Aux Philippines, la communauté LGBTQ+ est confrontée à la discrimination policière et au manque de législation. En Malaisie et en Indonésie, la discrimination et les persécutions sont sévères [7]. La Covid-19 a davantage accentué cette ségrégation sociale.
Traite humaine, trafic d’organes et minorité ethnique
De manière générale, les groupes minoritaires sont plus susceptibles d’être victimes de la traite humaine à cause de leur statut social précaire (apatride, pauvreté, faible niveau d’éducation) [8]. Selon Caballero-Anthony, les deux tiers du marché mondial se situent en Asie de l’Est et du Pacifique, ce qui représente plus de 25 millions de personnes [9]. De plus, les minorités ethniques sont vulnérables à la traite humaine dans les zones de conflits (Myanmar, Philippines). Désespérés, pour subvenir à leurs besoins, certains groupes se tournent parfois vers le don d’organe.
Pandémie, migration, réfugiés et droits de la personne
Plusieurs groupes de travailleurs migrants sont constitués de minorités ethniques cherchant à améliorer leur situation [10]. Les raisons de leurs déplacements sont multiples : économiques (manque d’opportunités, pauvreté), politiques (répression, trafic humain, conflits armés, instabilité politique, expropriations), environnementales (désastres naturels, inondations), sociales et personnelles (qualité de vie, voyages, relations, familles) [11]. Vivant souvent déjà dans des conditions précaires (absence de protection juridique ou de services sociaux), la pandémie n’a guère amélioré leur sort. Dans certains cas, ils ont été privés d’un accès à des soins de santé adéquats, victimes des contraintes sanitaires nationales limitant leur accès au travail et ont manqué de mesures d’hygiène appropriées à leur emploi pour se protéger contre la COVID (Singapour, Thaïlande, Myanmar).
Politiques de développement et minorités ethniques
Les programmes de développement sont également la source d’hostilités pour les communautés montagnardes ou autochtones, car leurs impacts environnementaux sont importants. Ces programmes menacent souvent l’intégrité et l’accès au territoire ancestral [12]. Difficile dans ces conditions de concilier ambitions économiques, transition énergétique, sécurité nationale et minorités ethniques (Chine, Thaïlande, Myanmar, Cambodge, Laos, Malaisie, Philippines).
Site de construction du controversé barrage Bengoh, Sarawak, Malaisie, juin 2008. La photo est une courtoisie de ©Andrew Garton, Flickr
Minorités religieuses et discriminations
La pandémie accentue le sentiment antipathique envers certains groupes de profession religieuse différente. Notons les Cham musulmans au Cambodge et au Viêt Nam. Human Rights Watch rapporte aussi l’adoption d’un discours haineux antimusulman au Myanmar et en Thaïlande [13].
Conflits et minorité ethnique
Une des conséquences des conflits ethniques est un flot de réfugiés dans les pays avoisinants qui soulève souvent les passions et force parfois la déportation ou crée des tensions politiques. Cette situation constitue un véritable défi diplomatique pour l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est qui adhère au principe de non-ingérence. Soulignons le cas notoire de la Thaïlande qui accueille depuis plus de 30 ans des réfugiés issus de groupes minoritaires du Myanmar [14].
Femme Kayan (Padaung Karen), Mae Hong Son, nord de la Thaïlande. La Photo est une courtoisie de ©Songwit Chuamsakul, Ph. D.
Jeune fille Karen pêchant pour survivre, nord de la Thaïlande. La photo est une courtoisie de ©Songwit Chuamsakul, Ph. D.
Citoyenneté et minorités ethniques
Les minorités ethniques ont parfois un statut d’apatrides ou encore de citoyens de seconde classe dans la région. Les exclusions sont nombreuses comme le droit de vote et le droit à la détention de terre. Cette discrimination a pour conséquence de réduire ou encore d’enlever leur accès à l’éducation, au système de santé et à des opportunités d’emplois. Pour plusieurs tribus montagnardes, elles se voient également limitées dans leurs déplacements et leurs accès aux services publics.
Cette femme détient une carte confirmant qu’elle n’a pas de carte d’identité. Plusieurs groupes ethniques minoritaires n’en possèdent pas en Thaïlande, limitant ainsi leur mobilité au royaume et leur accès aux services sociaux tels que l’éducation, le système de santé, ou l’accès à un emploi. Ils sont également privés du droit de vote, de prêts bancaires et d’accès à la propriété. La photo est une courtoisie de ©Songwit Chuamsakul, Ph. D.
Jeune mère Kensiu (Mani) avec ses enfants, sud de la Thaïlande. La photo est une courtoisie de ©Songwit Chuamsakul, Ph. D.
Projet Dream School/Dream Centre au Laos financé par la Corée. La photo est une courtoisie de ©Songwit Chuamsakul, Ph. D.
Au Laos, enfants à l’école, projet « Dream School/Dream Centre ». La photo est une courtoisie de ©Songwit Chuamsakul, Ph. D.
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La question des droits de la personne et des minorités ethniques en Asie du Sud-Est est vaste et dépasse largement les thématiques suggérées dans ce texte. Pourtant, malgré ses limites, les pistes de réflexion énumérées dépeignent une situation préoccupante. En effet, l’Observatoire s’inquiète de constater que sous le prétexte de mesures sanitaires pour lutter contre la pandémie, certains groupes et gouvernements de la région ont accentué leurs discriminations contre des minorités. Dans un contexte où la transparence et l’accès à l’information sont limités, où l’accès au système judiciaire indépendant et impartial n’est pas garanti, comment tenir les détenteurs du pouvoir responsables de leurs actions ? C’est que sans statut légal, plusieurs groupes se trouvent démunis face aux injustices commises.