L’état des lieux des inégalités
- Graphique 1 : rapport interdécile D9 / D1
- Source : OCDE, 2016. OECD Factbook 2015-2016 : Economic, Environmental and Social Statistics. Paris : OCDE, 55.
* Revenu personnel après impôt et transferts, ajusté des différences de taille des ménages.
** L’an 2012 ou l’année disponible la plus récente.
Le graphique 1 présente le ratio des revenus des 10 % les plus riches et des revenus des 10 % les moins riches : plus le ratio est élevé, plus les inégalités sont grandes. Dans cette comparaison des 34 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il n’y a que 8 pays qui sont plus inégaux que la Corée du Sud.
- Graphique 2 : ratio des revenus (1 % et 10 % les plus riches par rapport aux revenus de la population totale)
- Source : Kim, Nak Nyeon et Kim, Jongil, 2013. Income Inequality in Korea, 1933-2010 : Evidence from Income Tax Stastics (WP2013-05). Naksungdae Institute of Economic Research, 23-24.
Le graphique 2, présentant la part des revenus des 1 % et 10 % les plus riches par rapport aux revenus de la population totale, nous montre l’évolution des inégalités au sein de la société sud-coréenne depuis le milieu des années 1990. Durant cette période, la concentration de la richesse s’accentue, particulièrement depuis la crise monétaire dont l’effet à court terme est représenté en 1997 et 1998.
En outre, il est nécessaire à noter l’accroissement de l’écart entre la part du revenu total et celle du travail, qui est plus manifeste chez les 1 %. Cet écart signifie que les revenus provenant hors le travail prennent de plus en plus d’importance chez les riches. Selon la même recherche [1], à compter des 10 % les plus riches, une corrélation est constatée entre les revenus totaux et la part des revenus provenant du capital (biens immobiliers, financiers et recette de l’entreprise). En fait, l’accroissement du gain du capital par rapport au gain du travail est un phénomène général dans des pays développés à l’ère néolibérale [2]. Selon Piketty [3], ce phénomène est significatif étant donné qu’il est une condition aggravant les inégalités.
Facteurs structuraux des inégalités des revenus
Il existe certainement plusieurs facteurs structurant les inégalités des revenus. Eu égard à l’espace limité, entre autres, deux facteurs, notamment relatifs aux inégalités des revenus du travail, seront envisagés.
Depuis les années 1970, l’économie sud-coréenne est fondée sur le modèle de la croissance axée sur les exportations, surtout celles des grands conglomérats, appelés chaebols tels Samsung et Hyundai. Jusqu’aux années 1990, la croissance des entreprises fut suivie par l’augmentation des revenus des travailleuses et des travailleurs. Autrement dit, les effets de retombées fonctionnèrent. Cependant, depuis les années 2000, ils ne paraissent plus fonctionnels : 1) De 1975 à 1997, le taux d’accroissement annuel des revenus des foyers (8,1 %) est proche de celui des entreprises (8,2 %) ; 2) De 2000 à 2010, le premier représente 2,4 % tandis que le deuxième marque 16,4 % [4]. Cet écart peut s’expliquer par une double bifurcation du marché : celle entre des entreprises et celle entre des employé.e.s.
D’abord, malgré la concentration du pouvoir économique chez les grandes entreprises (300 employé.e.s ou plus ; en 2014, par rapport aux PME, leur vente représente 175 % et leur actif, 392 % [5]), leurs emplois ne représentent que 15,27 % des emplois totaux en 2015 [6]. Même année, le salaire moyen des employé.e.s des PME n’atteint que 60,59 % de celui des grandes entreprises [7].
Ensuite, les inégalités se manifestent selon le régime d’emploi. La table 1 nous montre la proportion des travailleuses et des travailleurs atypiques et leur salaire relatif.
- Table 1 : les travailleuses et les travailleurs atypiques
- Source : 김유선, 2013. « 비정규직 규모와 실태. 통계청 경제활동 인구조사 부가조사 (2015.8) 결과 » in 노동사회 (186), 75,80,89, 91.
Une telle grande proportion des travailleuses et des travailleurs atypiques et leur salaire faible entravent ainsi la circulation des revenus.
Une double bifurcation fort présente en Corée du Sud apparaît ainsi comme une condition importante de la distribution inégale des revenus sur le marché. Historiquement, une telle structuration du marché est relative à la superposition du modèle de la croissance axée sur les exportations et la néolibéralisation de la société notamment dès la crise monétaire. En plus de cette structure, l’augmentation de la part des revenus du capital par rapport à celle du travail devrait être envisagée davantage. Par ailleurs, étant donné le système faible de la redistribution de la richesse, englobant le système de fiscalité (le total des recettes fiscales par rapport le PIB : 24,6 % en 2014 ; l’OCDE totale : 34,4) [8] et celui de la protection sociale (les dépenses publiques sociales par rapport le PIB : 7,5 % ; l’OCDE totale : 19,3 %) [9], le fardeau des inégalités pèserait plus lourd chez les démuni.e.s de la population sud-coréenne.
Légende (photo de couverture) : Guyrong est le dernier bidonville de Séoul. Situé dans le riche quartier de Gangnam, 2000 personnes y habiteraient. Crédits : Seattle Times, http://www.seattletimes.com/nation-world/shantytown-a-stark-reminder-of-income-inequality-in-south-korea/